Peut-on encore parler de VPN quand c’est votre FAI qui le fournit ?

Free a frappé fort en annonçant mVPN, un VPN gratuit intégré dans ses forfaits mobiles 4G/5G. Présenté comme une première mondiale, le service promet un chiffrement de bout en bout, une protection contre les sites frauduleux et un anonymat renforcé. Sur le papier, c’est un cadeau en or.
Dans les faits, mVPN ne vous éloigne pas de votre opérateur : il vous y attache encore plus. Alors, peut-on encore appeler ça un VPN ?
La température monte en France pour les VPN … et pas seulement à cause du porno
Difficile de ne pas voir dans ce lancement un timing opportuniste.
- La fermeture d’Aylo en France (Pornhub, YouPorn, Redtube…) a provoqué un boom massif des recherches VPN : des millions d’internautes se sont rués vers ces outils pour contourner les blocages.
- Dans le même temps, une décision de justice récente a créé un précédent en assimilant certains VPN à des FAI, les contraignant à bloquer des sites de streaming sportif.
Autrement dit : Jamais l’acronyme « VPN » n’a été autant dans la bouche des Français. Et Free arrive pile à ce moment-là avec son mVPN, largement relayé par la presse généraliste.
Créer de la confusion
Il n’existe pas ce que l’on pourrait qualifier de données officielles indépendantes sur le pourcentage d’internautes français utilisant un VPN. Le chiffre de 24 %, souvent cité dans la presse, provient d’une étude de NordVPN.
En clair : il faut le prendre avec précaution. Ce qu’on sait en revanche, c’est que l’usage reste minoritaire en France, même si la demande explose depuis les récents blocages (Aylo, streaming, etc.).
Avec mVPN, Free va devenir le premier contact de millions de personnes avec un réseau privé virtuel. Et ce qu’ils retiendront, c’est qu’un VPN, c’est gratuit et que c’est fourni par le fournisseur d’accès à Internet.
La confusion est totale.
Le message est inversé : alors qu’un VPN sert à chiffrer son trafic vis-à-vis de l’opérateur, Free le présente comme un mode sécurisé intégré à l’opérateur.
Exactement l’inverse du principe de base.
VPN, dans son sens originel
Le terme VPN vient de Virtual Private Network : un réseau privé virtuel.
Historiquement, il s’agissait d’un outil professionnel pour relier à distance des bureaux ou employés à un réseau sécurisé. Son sens profond implique deux choses : la création d’un espace privé dans le réseau public, et le déplacement de la confiance loin de l’opérateur.
La vision du VPN by Free
En théorie, mVPN coche toutes les cases :
- gratuit, illimité,
- activation en un clic,
- sessions de 12 heures renouvelables,
- trafic sortant via l’Italie ou les Pays-Bas (choix du pays bientôt).
Mais dans la pratique :
il manque clairement une brique essentielle : une politique de confidentialité dédiée à mVPN et une documentation technique claire.
À ce stade :
- aucun détail sur les protocoles utilisés (WireGuard, OpenVPN, maison ?)
- le niveau de chiffrement
- le type de journaux conservés, la durée de rétention, etc.
En l’absence de politique de confidentialité dédiée à mVPN, il est raisonnable de considérer que ce service est couvert par les conditions générales de Free Mobile.
Cela impliquerait l’application des règles habituelles de collecte et de conservation des données de connexion imposées aux opérateurs en France.
En clair : sans mention explicite de non-conservation, on ne peut pas présumer d’un traitement particulier.
Conclusion : Un vrai VPN… ou un miroir aux alouettes ?
Un VPN censé vous protéger de votre FAI… peut-il vraiment être fourni par ce même fournisseur ?
Si les VPN sont traités comme des FAI par la justice, et si les FAI eux-mêmes se mettent à proposer leurs propres VPN, alors le principe même du VPN comme outil d’émancipation est en train d’être retourné.
Des alternatives crédibles existent
Soyons clairs : mVPN a des qualités. Il démocratise le concept et permet à des millions de personnes de découvrir le principe du geo-spoofing.
Il peut suffire à masquer temporairement son IP pour certains usages simples.
Mais pour une vraie confidentialité, ou pour sécuriser ses connexions Wi-Fi publiques, il existe des solutions bien plus solides.
ProtonVPN Free, par exemple, offre une version gratuite transparente, indépendante, auditée, avec une politique de logs claire. Bref : un vrai Free VPN
Le mot “VPN” est en train d’être confisqué
C’est une victoire marketing pour Free, mais peut être aussi un recul stratégique pour la notion même de vie privée en ligne.
Et c’est d’autant plus inquiétant que cela survient dans un contexte où la justice commence à assimiler les VPN aux FAI.
Autrement dit : Le terme VPN est en train de changer de sens et pas dans l’intérêt des Internautes.
A découvrir : Le paradoxe VPN : entre liberté et surveillance

A propos de l'auteur : Lisa
Fondatrice de VPN Mon Ami
Experte en cybersécurité avec plus de 12 ans d'expérience dans le domaine des VPN, j'écrit de nombreux articles pour sensibiliser les internautes à la confidentialité en ligne.