Rejeté, mais pas enterré : Chat Control refait surface en 2025

Mise à jour : Août 2025
Sous la présidence danoise du Conseil de l’UE (depuis le 1er juillet 2025), une version révisée du projet Chat Control a été relancée, avec une lecture prévue le 14 octobre 2025.
La nouvelle mouture est reportée par plusieurs sources à une version amendée introduite en juillet 2025, visant un compromis entre sécurité et libertés.
Ce retour du texte s’inscrit dans le cadre de la stratégie ProtectEU, dévoilée en juin 2025. Celle-ci prévoit le développement, d’ici 2030, de capacités légales de déchiffrement pour les forces de l’ordre, afin de traiter les contenus numériques dans le cadre d’enquêtes légitimes.
Ces éléments indiquent que le débat est loin d’être clos : malgré l’abandon de la version initiale, le compromis entre protection de l’enfance et respect du chiffrement reste à définir.
Juin 2024
Après plusieurs mois de blocage, le Conseil de l’Union européenne a officiellement ajourné la lecture du projet Chat Control le 20 juin 2024, faute de majorité parmi les États membres. Ce vote, programmé initialement, a été retiré de l’ordre du jour à la dernière minute, confirmant l’échec du compromis élaboré sous présidence belge.
Ce retrait de facto acte l’abandon de la version initiale du texte, pointée du doigt par les défenseurs de la vie privée pour ses impacts majeurs sur le chiffrement et les droits fondamentaux.
Malgré les tentatives de conciliation de la présidence belge, aucun compromis n’a permis de dépasser les positions divergentes entre les pays favorables à une surveillance élargie et ceux attachés à la protection des libertés numériques.
Octobre 2023
Les députés européens ont tenu des conférences de presse au sein des négociateurs du Parlement européen sur la proposition controversée de contrôle du Chat Control. Le projet juridique initial, publié par la Commission européenne l’année dernière, bien qu’important, a été perçu une attaque contre la vie privée et la sécurité. De nombreuses personnalités du milieu de la technologie, de la politique et de la société civile ont milité pour demandé des modifications.
Le Parlement européen a pris une position ferme en faveur de la protection de la vie privée en ligne. Il a rejeté les plans de Chat Control, en l’état, reflétant une tendance à vouloir équilibrer les besoins en sécurité avec le droit à la vie privée.

Contexte
La proposition Chat Control a été introduite dans le but de permettre une surveillance accrue des communications en ligne pour prévenir et combattre les abus sur les mineurs. Cependant, elle a suscité de vives inquiétudes parmi les défenseurs de la vie privée, les experts en technologie, et même certains gouvernements. La principale préoccupation était son impact potentiel sur la vie privée et la sécurité des communications chiffrées, essentielles à la protection des droits des citoyens dans le monde numérique.
Suite à cette décision du Parlement européen, Tutanota, l’un des principaux fournisseurs de services de messagerie sécurisée, a exprimé son soutien sur X (ex Twitter), soulignant l’importance de cette victoire pour la vie privée en ligne.
📢The EU Parliament will not be moving forward with chat control! The indiscriminate mass surveillance measures have been removed and secure end-to-end encryption will not be compromised!🥳
— Tutanota (@TutanotaTeam) October 27, 2023
💪Let's keep pushing for strong privacy rights!👇https://t.co/P40tVnqbXK#chatcontrol pic.twitter.com/09e63Y0aNg
Quelles technologies sont concernées ?
Les principales cibles de la proposition étaient les applications de messagerie chiffrées de bout en bout, telles que Signal et Telegram (que nous ne recommandons pas pour des raisons de sécurité), ainsi que les services de boites mails sécurisées. Ces services garantissent que seuls l’expéditeur et le destinataire peuvent accéder au contenu des messages, rendant impossible pour les intermédiaires, y compris les fournisseurs de services, de les déchiffrer. La proposition aurait pu compromettre cette garantie, exposant potentiellement les utilisateurs à des risques accrus de surveillance et d’ingérence.
©Signal
Réactions internationales
Le projet Chat Control n’est pas un cas isolé à l’Europe. Des initiatives similaires existent dans d’autres pays :
- Royaume‑Uni : bien que l’Online Safety Act ait été adopté en 2023, les pouvoirs prévoyant le scan automatisé des messages chiffrés ne seront pas activés tant qu’ils ne seront pas techniquement viables, selon une déclaration officielle du gouvernement britannique (source officielle).
- Australie : depuis 2018, le TOLA Act permet aux autorités d’imposer aux entreprises tech un accès aux contenus chiffrés dans le cadre d’enquêtes, une mesure régulièrement critiquée par des ONG et chercheurs en cybersécurité.
- Inde : les IT Rules imposent aux plateformes numériques la capacité de tracer l’origine des messages, ce qui entre directement en conflit avec le chiffrement de bout en bout proposé par des applications comme Signal ou WhatsApp.
Ces exemples illustrent la tension entre protection des citoyens, respect du chiffrement et surveillance des communications. Aucun pays n’a encore trouvé une solution pleinement satisfaisante : la recherche d’un équilibre durable entre sécurité publique et droits fondamentaux reste un défi global et non-résolu.
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Réactions en France
La France n’a pas activement soutenu la version initiale du projet Chat Control. Lors des débats européens en 2023 et 2024, sa position est restée prudente, exprimant un soutien conditionnel à un encadrement ciblé de la détection des contenus pédocriminels, mais aussi une réserve marquée sur le chiffrement et les risques de surveillance généralisée.
En parallèle, la France poursuit sa propre stratégie de régulation du numérique, notamment en matière de contenus jugés sensibles. Depuis 2024, elle a mis en œuvre un dispositif de vérification obligatoire de l’âge pour restreindre l’accès des mineurs aux sites pornographiques.
Plusieurs plateformes sont désormais menacées de blocage administratif si elles ne s’y conforment pas. Le Conseil d’État a validé cette approche, malgré les critiques formulées par les défenseurs des libertés numériques.
Ainsi, même sans équivalent direct au projet Chat Control, la France développe une approche sectorielle, axée sur la régulation des usages plutôt que sur la surveillance généralisée des communications. Le débat reste vif autour des équilibres à trouver entre protection, vie privée et souveraineté numérique.
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Réflexions finales
Protéger les mineurs est une priorité.
La manière d’y parvenir soulève des tensions profondes entre sécurité, vie privée et libertés numériques.
Le rejet du premier projet Chat Control par le Parlement européen, puis son blocage au Conseil en juin 2024, a marqué un tournant.
En 2025, le texte revient, remanié et accompagné d’une stratégie européenne de long terme (ProtectEU) qui pourrait redéfinir notre rapport au chiffrement.
Dans ce contexte, la responsabilité des citoyens, des professionnels du numérique et des décideurs publics sera déterminante pour préserver les équilibres démocratiques. Il faudra rester attentif aux promesses de protection qui, mal encadrées, pourraient ouvrir la voie à une surveillance systématique.
📌 Protéger sans surveiller : c’est là tout l’enjeu.

A propos de l'auteur : Lisa
Fondatrice de VPN Mon Ami
Experte en cybersécurité avec plus de 12 ans d'expérience dans le domaine des VPN, j'écrit de nombreux articles pour sensibiliser les internautes à la confidentialité en ligne.