Backdoors, surveillance et VPN : vers la fin du chiffrement privé en Europe ?

par | 10 Juin 2025 | Protection et vie privée

Depuis le 1er Avril 2025 (non, non ce n’est pas une blague), un débat agite les couloirs de Bruxelles, les hémicycles nationaux et les coulisses des grandes entreprises technologiques européennes : faut-il sacrifier une part de la confidentialité numérique au nom de la sécurité ?

Les VPN, considérés comme un pillier pour la vie privée numérique, se retrouvent dans le viseur des régulateurs. En toile de fond : le projet ProtectEU, la conservation des métadonnées, et le spectre d’un accès généralisé aux communications chiffrées.

Le plan ProtectEU : entre sécurité nationale et surveillance généralisée

Annoncé en 2025 par la Commission européenne, le programme ProtectEU vise à renforcer la résilience numérique de l’Union face aux cybermenaces, au terrorisme et au trafic illicite.

Derrière les objectifs officiels, se dessine une stratégie controversée : permettre un accès légal aux contenus personnels chiffrés, que ce soit dans les messageries sécurisées comme Signal ou Telegram, ou via les connexions VPN.

Le terme « backdoor » (porte dérobée) n’est jamais explicitement utilisé, mais l’idée sous-jacente est claire : créer des mécanismes techniques permettant aux autorités d’accéder aux données en cas d’enquête.

Illustration : Drapeaux de l'UE

VPN, messageries et métadonnées : une surveillance par contournement

Si le chiffrement de bout en bout rend impossible l’accès au contenu d’un message, les métadonnées qui, quand, où, avec qui restent une mine d’or pour les autorités et les courtiers en données.

Plusieurs rapports européens suggèrent d’imposer aux VPN une conservation étendue de ces données de connexion. C’est un tournant qui risque de piquer : la plupart des VPN sérieux adoptent une politique stricte de non-conservation de log, justement pour éviter toute compromission en cas de pression juridique.

Si la législation venait à évoluer, cela signerait potentiellement la fin des réseaux privés virtuels conformes au RGPD dans l’UE.

Mauvais accueil de la part de l’industrie

Comme il fallait s’y attendre, le projet passe mal.

Les principaux fournisseurs de VPN montent au créneau. Proton, Mullvad, Surfshark ou encore NordVPN dénoncent une atteinte directe à la sécurité des utilisateurs et au principe même du chiffrement de heur niveau.

« Ce que demande l’UE, c’est l’équivalent d’un verrou de porte avec une clé universelle. Et chaque clé finit un jour dans la nature », résume un représentant de Mullvad.

Illustration : Philosophie de Mullvad

©Mullvad

Déjà en mars 2025, Signal a menacé de se retirer du marché français si un amendement imposant des backdoors dans les messageries chiffrées était adopté.

Le cas Infomaniak : une exception suisse qui fait débat

Tandis que la plupart des acteurs se dressent contre ces propositions, l’hébergeur suisse Infomaniak a surpris en exprimant un soutien conditionnel à un projet similaire en Suisse, au nom d’un « compromis équilibré entre vie privée et sécurité ».

Cette prise de position, saluée par certains responsables politiques, a été perçue comme une trahison par une partie de l’industrie de la cybersécurité.

La France fait du sur place sur la question pour le moment

En France, le débat a pris une tournure spectaculaire avec l’amendement 8 ter, inséré dans un projet de loi contre le narcotrafic.

Il visait à imposer aux services chiffrés, y compris les VPN, de prévoir un accès aux communications sur demande judiciaire.

Rejeté par le Sénat en mars 2025 après une forte mobilisation associative et une levée de boucliers d’acteurs comme Tuta, le service de boite mail sécurisée ou Signal, l’épisode a révélé la fragilité des libertés numériques face à des initiatives sécuritaires de plus en plus directes.

A lire également : Entre liberté et surveillance, le paradoxe du VPN

Pour les utilisateurs : faut-il s’inquiéter ?

Le débat n’est pas seulement théorique.

Si ces mesures sont appliquées, elles pourraient entraîner une migration forcée des services vers des juridictions plus protectrices (ou permissives pour certains).

Pour les entreprises comme pour les particuliers, cela signifie repenser les outils utilisés, réévaluer la confiance accordée aux fournisseurs européens, et, pour les plus exposés, envisager des solutions de chiffrement autonomes. Vu ce que le RGPD a déjà couté à certaines entreprises, la pilule risque d’être difficile à avaler.

Illustration : parlement européen

Conclusion : la fin du chiffrement privé en Europe ?

C’est difficile à dire… De manière générale et un peu partout dans le monde, le principe même de confidentialité en ligne, est ménacé d’une manière ou d’une autre.

Il y a 2 ans le Royaume Uni avait déja du renoncer à affaiblir le chiffrement dans le cadre de l’Online Safety Bill pour des raisons de sécurité.

En tentant d’imposer des backdoors et/ou une surveillance généralisée des métadonnées, l’Europe risque de saboter l’un de ses rares atouts numériques : un écosystème fondé sur la confiance, la conformité RGPD et le respect des droits fondamentaux.

Nous espérons en savoir plus rapidement.

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A propos de l'auteur : Lisa

A propos de l'auteur : Lisa

Fondatrice de VPN Mon Ami

Experte en cybersécurité avec plus de 12 ans d'expérience dans le domaine des VPN, j'écrit de nombreux articles pour sensibiliser les internautes à la confidentialité en ligne.

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